L’accueil familial d’urgence, quels souvenirs en gardent les enfants et leur famille ? - Famille d'accueil

L’accueil familial d’urgence, quels souvenirs en gardent les enfants et leur famille ?

L’accueil familial d’urgence, quels souvenirs en gardent les enfants et leur famille ?

Il y a deux ans, David et Inès ont été accueillis par un service d’accueil familial d’urgence. Ils avaient alors 10 et 7 ans, et ont passé 45 jours dans deux familles d’accueil différentes avant de retourner auprès de leur maman. Nous trouvions intéressant de les rencontrer aujourd’hui, eux et leur famille, afin de voir ce que chacun a pu garder comme souvenir de cette expérience. Voici le recueil de leur parole.

 

Marcelle, Maman de David et Inès

Je crois que les difficultés, elles datent déjà d’il y a plus longtemps que ça et je crois que la période où on a placé les enfants, c’était la pire période de ma vie. Je n’étais plus moi du tout. Je ne me reconnaissais plus à l’époque. J’ai fait trois tentatives de suicide sur une semaine donc il y avait un problème quelque part. J’appelais à l’aide.

Et puis il y a eu cette histoire où la police est arrivée et ils ont embarqué les enfants pour les amener chez ma sœur qui a pris la décision de dire : « Maintenant STOP, ça suffit ». Il faut qu’on fasse quelque chose pour les enfants, car c’est eux qui étaient les plus mal. Et c’est comme ça qu’on s’est retrouvé au tribunal de la jeunesse, et c’est là qu’on m’a annoncé que les enfants allaient être placés. Mais au départ c’était « NON », je ne voulais pas me séparer de mes enfants. Et la juge m’a dit que si je ne voulais pas ce serait fait de force de toute façon. Ce jour là, j’ai dû dire au revoir aux enfants au Tribunal et c’est ma sœur qui allait les conduire dans vos locaux. Je n’en ai jamais voulu à ma sœur d’avoir fait ça. Parfois les gens me disent : « mais tu te rends compte que c’est ta sœur qui a fait placer tes enfants ? » Mais je lui dis merci à ma sœur, car si elle n’avait pas fait cela, je ne serais plus là aujourd’hui et les enfants, ils seraient où ? Placés quelque part ?

Puis l’avocate des enfants est arrivée vers moi, et m’a conseillé un centre de la santé mentale pour me soigner. Quand je suis sortie je me suis dit : « soit je me jette sous un train ou j’y vais ». Je me suis dit : « il n’y a pas d’avance, il faut que je me batte, que je les récupère, je ne peux pas les laisser ainsi ». Puis il y a eu le SAJ aussi, de fil en aiguille, j’ai ouvert toutes les portes qu’on me donnait pour avancer et aller mieux. Et voilà en plus ou moins de temps je les ai récupérés.

Le fait que mes enfants aient été placés, cela a été un véritable électrochoc. Je me suis dit : « plus bas je ne peux pas tomber donc il faut que je me relève ». Je me suis dit : « je n’ai pas le choix et si je ne le fais pas maintenant je ne le ferai jamais ». C’était le moment pour me sentir mieux, être épaulée, pour cela j’avais aussi ma sœur et mon beau-frère.

Je ne me suis pas tracassée au début, les enfants je savais qu’ils allaient être bien et qu’ils allaient être bien pris en charge par d’autres personnes qui allaient s’occuper d’eux. Moi je devais m’occuper de moi. Au début, je ne me suis pas occupés d’eux, car j’avais besoin d’aller mieux moi. Puis après j’ai eu votre coup de téléphone et j’ai su que les enfants allaient bien, que cela se passe bien, qu’Inès avait bien dormi et bien déjeuné, et que David était dans une famille d’accueil avec un garçon de son âge, que cela se passait bien. Je savais qu’ils étaient en sécurité et c’est surtout ça qui était important. Je savais qu’ils allaient aussi chacun reprendre leur vie d’enfant. Surtout pour David. Après j’ai pu voir l’album photo des familles d’accueil pour pouvoir mettre un visage sur les personnes qui s’occupaient des enfants. L’histoire de les avoir séparés, c’était même mieux, je trouve que cela a porté ses fruits. Cela leur a permis à chacun d’avoir une place pour eux.

Je savais que je pouvais vous appeler n’importe quand pour avoir des nouvelles des enfants. Pour ça c’était vraiment super. Vraiment, pendant l’accueil, vous avez su me rassurer beaucoup, parce que je savais en plus que les enfants passaient par vous quand ils voulaient quelque chose, vous étiez vraiment le lien. Les 15 premiers jours, on s’est d’abord rencontrés, puis le temps que les enfants puissent se poser en famille d’accueil, et en 15 jours j’avais pu déjà reprendre goût à la vie. Moi le principal c’était de pouvoir récupérer mes enfants c’était mon objectif. C’était ma carotte qui me faisait avancer.

Honnêtement, de cette situation, je n’en tire que des bénéfices. Je ne peux pas dire qu’au bout des 45 jours j’étais soignée mais j’avais les clés en mains. Pour moi, ça m’a remonté, j’ai eu les épaules pour m’accompagner. Et aujourd’hui, deux ans après regardez où on en est et tous les changements positifs, ce n’est que du positif. C’est un renouveau. Et même durant les 45 jours d’accueil, cela n’a été que du changement, on voyait les enfants changer même physiquement d’une manière très positive.

Mamily, tante des enfants

Là c’était grave ce qui s’était passé et j’avais interpellé le SAJ pour qu’ils soient placés. Si cela n’avait pas été fait, le schéma se serait sans cesse répété. David avait 10 ans et il avait des responsabilités d’un homme, il devait s’occuper de sa petite sœur il devait sortir sa maman de sa baignoire qui était tombée, la ramasser. Il ne devait pas porter tout ça et la petite elle trouvait tout cela normal, elle rigolait. L’accueil m’a apporté de voir que ma sœur se reconstruisait, parce que de semaine en semaine on voyait qu’elle rebondissait.

David et Inès

David : Le début de placement, je m’en souviens vaguement mais quand même un peu. Quand ma tante et mon oncle sont venus nous déposer au bureau, j’étais triste, car on venait de quitter maman et j’étais stressé et j’avais peur, parce que j’allais aller chez des gens que je ne connaissais pas, je me suis dit : « est-ce que cela va bien se passer ? » J’avais des craintes, j’avais peur. J’avais dur, car j’avais déjà dû dire au revoir à maman, puis après à Ines donc ça faisait beaucoup de séparation. Puis mon téléphone qu’on a dû reprendre, ce n’était pas non plus facile. C’était ce qui permettait de sauver maman lorsqu’elle n’allait pas bien et avec lequel je pouvais contacter ma tante.

Pendant mon séjour en famille d’accueil, le plus marrant c’était quand Martin avait mis un faux caca à coté de mon lit. Je suis rentré dans la chambre et me suis dit le chien n’est quand même pas rentré dans ma chambre ? Je suis descendu pour le dire à Julie, et Martin s’est mis à rire, car il l’avait fabriqué avec Rémy avec du papier mâché.

Au début, j’étais plus triste au moment du coucher. J’ai fait pipi au lit et ça m’a mis mal à l’aise. Puis à partir du moment où vous avez fait la photo lors de la visite avec maman, tous les soirs à partir de là je faisais un bisou à la photo. En plus, je suis arrivé au mauvais moment à l’école car j’avais eu plusieurs remplaçantes donc c’était beaucoup de changement encore. Au début on avait dit 15 jours minimum et 45 jours maximum, j’avais un petit espoir qu’on rentre 15 jours après mais je n’étais pas sûr, donc je n’étais pas si triste que ça de rester un peu plus longtemps.

Ines : je ne me souviens plus du tout. Mais oui j’avais pleuré. Je me souviens que j’avais peur du petit chien de Marie-Lou. Après, je me souviens le matin je savais ce qu’ils déjeunaient alors je préparais à chaque fois le déjeuner. J’ai encore un album photo, j’aime bien parfois le regarder. J’ai eu peur aussi quand j’ai repris l’école à mon retour chez maman. J’avais peur qu’en appelant ma tante elle nous remette en famille d’accueil.

Sa tante : elle a des bons souvenirs parce que parfois elle parle qu’elle était dans le fauteuil avec son casque pour écouter de la musique. Kendji ! Tu faisais de la danse, tu faisais du vélo, tu allais promener le chien et à pied à l’école.

Nous remercions du fond du cœur cette famille pour ce partage d’expérience, précieux pour tous. Ce retour nous permet de remettre en lumière le sens profond des interventions des services d’accueil familial d’urgence, et de l’importance de cet accompagnement au cœur de la crise.